Où sont
passées les dagues douces
Qui glissaient
comme des murènes
Dans les limbes
de la nuit rousse
Inexorables
souveraines
Où sont les
inquiétants sourires
Des poignards
aux gorges d'acier
Que des
fantômes émaciés
Cachaient sous
leurs manteaux de cire
Fuyant de rue en rue comme à
saute-ruisseau
Elles chassaient leur proie. Leur âme
était si noire
Rien ne les reflétait dans l'ombre du
miroir
Elles frappaient au vif les naïfs et
les sots
Elles cueillaient la nymphe au sortir
de son bain
Arrachaient l'ingénu aux bras de la
luxure
Fauchaient le renégat, le menteur, le
parjure
Et sevraient le bourgeois du surplus de
son bien
Lame de peu de foi sans attache et sans
loi
Dont le corps adulé, tendu comme une
corde
Achevait les blessés d'un geste juste
et froid
Sans qu'ils aient pu crier son nom :
miséricorde !
Venues du fond des temps, où sont les
lames pures
Du sang de celles qui, sur les champs
de bataille
Allaient se fracasser sur le fer des
armures
Pour la gloire d'un roi, au pied d'une
muraille
Où sont
passées les dagues douces
Qui glissaient
comme des murènes
Dans les limbes
de la nuit rousse
Inexorables
souveraines
Si furtives qu'à peine on aurait dit
des armes
L'Eustache au cœur d'acier, au manche
en bois de charme
Qui sautait sans un bruit dans la main
des apaches
Et tranchait dans le rouge avec un air
bravache
Le treizain du marlou, le surin du
voleur
Qui pour trouver fortune équarrissait
les heures
Navaja l'espagnol, aussi glacé qu'un
marbre
Large comme la main et tranchant comme
un sabre
Le stylet malicieux à la pointe acérée
Qui filait droit au cœur et venait s'y
figer
Et Kriss le malaisien, sa lame
flamboyante
Laissait dans les chairs nues des
marques effrayantes
Toujours prêts à bondir d'un
pourpoint, d'une chausse
Pour abattre un tyran, basculer dans la
fosse
Les destin des nations, récrire avec
du sang
L'histoire abasourdie des peuples
innocents
Où sont les
inquiétants sourires
Des poignards
aux gorges d'acier
Que des
fantômes émaciés
Cachaient sous
leurs manteaux de cire
Couteaux de marins saouls rouillés à
l'air du port
Lames d'acier trempé d'un pur métal
de mort
Forgées par des voyous, possédées
par des fous
Gainées de soie sauvage ou de cuir de
Cordoue
Il en est dont le fil est si sobre et
subtil
Qu'on meurt sous leurs baisers sans
s'être vu blessé
Il en est dont la taille est si rauque
et si vile
Qu'elle mord dans la plaie sans jamais
se lasser
Certaines sont ornées de fines
arabesques
Les mots d'une prière ou ceux d'un
chant mauresque
D'autres portent parfois sur une mitre
ovale
Gravée comme un totem : une queue
de crotale
Filles du maléfice, où sont les lames
brunes
Qui savent lire en creux les messages
des runes
Et l'athamé traçant de sombres
pentagrammes
Dans la cendre de buis pour le repos
des âmes
Où sont
passées les dagues douces
Qui glissaient
comme des murènes
Dans les limbes
de la nuit rousse
Inexorables
souveraines
Où sont les
inquiétants sourires
Des poignards
aux gorges d'acier
Que des
fantômes émaciés
Cachaient sous
leurs manteaux de cire
Charles
Valois Juillet 2014 (L'Assassin)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire