Nombre total de pages vues

samedi 15 août 2015

Le Bal des Amours Volages




1

Vous y dansiez petite fille
Dans la douceur d’un soir d’été
La matelote et le quadrille
Timidement du bout du pied

Vous y dansiez folle insouciance
Lorsque l’amour à pas de loup
Changeait vos soupirs en romance
Et vous glissait des billets doux


Accrochez aux murs des guirlandes
Faites sonner la charge
Venez danser la sarabande
Des amoureux volages

2

Y danserez-vous centenaire
Mal assurée sur vos genoux
Sur un vieil air de limonaire
Peut-être vous souviendrez-vous

De ce cavalier fort et tendre
Qui vous apprit les premiers pas
Qui sut trop bien comment s’y prendre
Pour vous chavirer dans ses bras


Accrochez aux murs des guirlandes
Faites sonner la charge
Venez danser la sarabande
Des amoureux volages

3

Il a ravagé vos dentelles
Le loup avait un charme fou
Vous protestiez d’une voix frêle
Mais déjà vous y preniez goût

Et votre coeur sur un nuage
Regardait le monde à vos pieds
Mais au matin comme un mirage
Le rêve s’était envolé


Accrochez aux murs des guirlandes
Faites sonner la charge
Venez danser la sarabande
Des amoureux volages

4

Il y aura d’autres bals musettes
Pour attirer les amoureux
Les filles viendront à la fête
Avec des fleurs dans les cheveux


Et quand s’éteindront les lumières
On étouffera des sanglots
C’est toujours près de la rivière
Que le loup vient croquer l’agneau


Accrochez aux murs des guirlandes
Faites sonner la charge
Venez danser la sarabande
Des amoureux volages

5

Puisqu’il faut que les fleurs se fanent
J’en prendrais sur moi des bouquets
Je froisserai leur peau diaphane
Et je craquerai le briquet

Elle s’en iront dans les flammes
Cendre et poussière au vent mauvais
Les fleurs nouvelles n’ont pas d’âme
Et les loups n’ont pas de regret


CV Août2015

lundi 10 août 2015

Le Jardin des Montres


Il est minuit passé dans le jardin des montres
Et les heures perdues s’en vont à la rencontre
Des ombres de la nuit et leurs lames d’acier
Chaque arbre est une horloge avec son balancier

Sous la lune en prison dans un ciel de faïence
Un cadran bleu d’émail et des chiffres de fer
L’horloger de Saint Jean va régler la cadence
Entre le temps qui passe et le temps qu’il va faire

Armé d’un chasse-temps et d’un casse-culbute
Il comptera  le pas régulier des minutes
Qui s’écoulent chacune en soixante virgules
Et font battre le pouls singulier des pendules

              1-2-3 la trotteuse aux abois
              Qui s’était épatée dans les bois
              Clopinant sur trois pieds, sur deux pattes
              Sur un pas saccadé d’automate

              1-2-3 la comptoise aux aguets
              Qui comptait sur ses doigts ses acquêts
              Ses amants délicats délinquants
              Des galants décatis par le temps

             1-2-3 la comptine est en toc
             On entend grelotter ses breloques
             Taquiner ses taquets métalliques
             Déglinguer ses ballets mécaniques

Dans le coeur d’une montre il y a des secrets
Un ressort qui s’épuise à vouloir que le temps
Remonte sans ombrage à l’abri des regrets
Que la roue du remords ne morde pas dedans

L’horloger de Saint Marc au jardin d’Amaranthe
Ecoute  soupirer ces amours impatientes
Qui se voyant jolies se croyaient éternelles
Mais dont jour qui vient désèche les  dentelles

Et le jour qui s’en va moisonne leur poussière
D’un pinceau désolé, il efface leurs larmes
Remet un peu d’or pur sur le gris de leurs trames
Pour que jusqu’à la nuit s’accroche la lumière

                  Comme un petit train qui trottinambule
                  Le long du cadran à compte-virgule
                  A compte-minute un long chenillard
                 Fait le tour d’une heure en soixante gares

               On y voit passer de lents paysages
               Qui tournent en boucle autour du manège
               Et des voyageurs aux sombres visages
               Rêvant en secret de quitter leur piège

             Une nymphe douce au coeur langoureux
            Une cavalière en cuir de Cordoue
            Un bel androgyne aux yeux charbonneux
            Un fin muscadin caché sous un loup

Tous avaient cru pouvoir s’échapper loin d’ici
L’homme aux cheveux de lion qui parlait aux chimères
Et l’aigle des nuées, le philosophe assis
Dont les mots s’envolaient bien au delà des mers

Ils rêvaient de partir vers des terres lointaines
Et de s’y perdre enfin. Mais voilà que l’automne
A refermé sur eux les maillons de ses chaînes
Le temps les a repris. Le temps n’oublie personne

Inexorablement  les roues de l’engrenage
Entraîne les forçats  au pas du métronome
Et ils ne dorment plus. Le cours de leur vie d’homme
S’écoule mécanique, impeccable et sans âge. 

            Assommés debout, un démon les tourmente
            Lorsque les pieds liés et chargés d’entraves
            De leurs voix éraillées monte un chant d’esclave
            Libre et torturé, pareil à l’eau courante

           Heurtant les murs, fous de colère et de rage
           Ils font trembler la charpente en bois debout
          De l’horloge et frappant sur un mangeclous
          Ils font sauter tous les verrous de leur cage

         Alors, dans un bruit de chahut mécanique
        On entend craquer les montants de métal
        Et grincer le ressort à gueule en spirale
       Qui expire à minuit son dernier déclic

L’horloger de Saint Pierre apaise leur tourmente
Donne des tours de clé, rajuste dans sa loge
Chaque pièce égarée, tordue, cassée, manquante
Et l’ordre règne enfin dans le coeur de l’horloge

Les aiguilles d’airain reprennent leur cadence
Cliquetant doucement. Et les heures se croisent
Au rythme nonchalant d’un menuet qui danse
Les battements du temps sont passés sous la toise

Les amoureux vaincus qui rêvaient d’insouciance
Tremblent  sous le maillet d’un maître mécanique
Résignés, le coeur vide, ils marchent en silence
Et sans se retourner vers leur destin tragique

(CV 7 Août 2015)



















dimanche 28 juin 2015

In Girum....


Un poison lent nous ronge les sangs
Et c'est nous qui le fabriquons
Dans de grandes usines à caissons
Qui crachent les matins du monde

Pour le peu de temps qu'il nous reste
Pour le peu de pain qu'ils nous donnent
Nous tournons le jour dans la forge
Et le feu vivant nous consume

Ils nous tapent avec des bâtons
Ils crient nos noms, ils nous insultent
Pour qu'on pousse encore la machine
Encore plus vite, encore plus fort.

CV juil15

vendredi 1 mai 2015

La Maison-Hôte




C'est une oasis au coeur d'un naufrage
Battu par la vague un vaisseau de pierre
Un ilot rongé par des eaux sauvages
L'épaisseur du temps qui tombe en poussière


On dirait parfois lorsque vient l'automne
Un géant vêtu d'un manteau de nuit
Qui viendrait surgir d'un rideau de pluie
Chercher un abri dans l'air qui frissonne


Des flèches hissées sur un toit d'argent
Dressées vers le ciel comme des haubans
Font claquer le vent et gonfler les voiles
Et chanter l'embrun venu des étoiles


L'hôtel est construit de brique et de grès
Ses murs patinés par le poids des ans
Gardent la splendeur des palais persans
Et le charme obscur des manoirs anglais


Ses volets de fer se ferment le jour
Sur de lourds secrets qui fuient la lumière
Et s'ouvrent la nuit comme des paupières
Encore assoupies par des rêves sourds

                   *
Peuplés du souvenir venu d'un autre temps
D'un chant d'amour funèbre étrange et envoûtant :
« Approche-toi ma belle, approche toi mon beau
Viens te brûler les ailes au feu de mon flambeau »

                   *


Aux heures blessées quand la nuit se farde
De haillons dorés et de riches hardes
On vient éclairer de grands candélabres
Dans la main gantés des statues de marbre

Alors le jardin soudain se rallume
Viennent y danser de chastes lucioles
Des elfes pervers et des nymphes folles
Sous l'éclat changeant d'un rayon de brume

De longs messieurs noirs et des dames blanches
Se tenant à deux par le bout des manches
Grimpent en silence et sur le perron
Un laquais poudré leur demande un nom


Si le code est faux, un guerrier mauresque
Armé d'un bâton les jette à la rue
Si le code est bon, l'huissier les salue
Et les fait entrer en les poussant presque

                     *
Ils marchent dans la salle ornée d'un monogramme
Au son des tambourins et des violons tsiganes
Et vont glisser leurs pas dans ceux de la pavane
« Belle qui tiens ma vie, c'est moi qui tiens ton âme »
                     *

Ils jouent les chasseurs à l'abri d'un masque
Et guettent leur proie dans la nuit fantasque :
Un danseur de charme ou une hétaïre
Qu'ils vont incendier des feux du désir


Juste au dessus d'eux, les gens de la lune
Aux jeux du hasard perdent des fortunes
Sur un brelan d'as et deux figurines
L'un saisit sa chance et l'autre se ruine



L'étage plus haut cache un lupanar
Qui sert de refuge aux amours profanes
Des grands de ce monde et des courtisanes
Sous le faux décor d'un temple barbare


L'escalier qui suit conduit aux mansardes
Où vit en secret la troupe gaillarde
D'un prince des rues et ses saltimbanques
Des bandits manchots, des pilleurs de banque


On entend parfois venant du sous-sol
Lorsque la musique un instant s'arrête
Un cri qui s'échappe, une plainte folle
Une âme piégée au coeur de la fête

                  *
Et dans un dernier souffle une voix qui chavire :
« Viens-t-en me secourir ou me faudra mourir »
Passant qui entre ici pour conjurer tes fautes
N'attends pas de merci depuis la Maison-hôte
                 *


Charles Valois mai 14
(L'assassin, travail en cours)