C'est
une oasis au coeur d'un naufrage
Battu
par la vague un vaisseau de pierre
Un
ilot rongé par des eaux sauvages
L'épaisseur
du temps qui tombe en poussière
On
dirait parfois lorsque vient l'automne
Un
géant vêtu d'un manteau de nuit
Qui
viendrait surgir d'un rideau de pluie
Chercher
un abri dans l'air qui frissonne
Des
flèches hissées sur un toit d'argent
Dressées
vers le ciel comme des haubans
Font
claquer le vent et gonfler les voiles
Et
chanter l'embrun venu des étoiles
L'hôtel
est construit de brique et de grès
Ses
murs patinés par le poids des ans
Gardent
la splendeur des palais persans
Et
le charme obscur des manoirs anglais
Ses
volets de fer se ferment le jour
Sur
de lourds secrets qui fuient la lumière
Et
s'ouvrent la nuit comme des paupières
Encore
assoupies par des rêves sourds
*
Peuplés
du souvenir venu d'un autre temps
D'un
chant d'amour funèbre étrange et envoûtant :
« Approche-toi
ma belle, approche toi mon beau
Viens
te brûler les ailes au feu de mon flambeau »
*
Aux
heures blessées quand la nuit se farde
De
haillons dorés et de riches hardes
On
vient éclairer de grands candélabres
Dans
la main gantés des statues de marbre
Alors
le jardin soudain se rallume
Viennent
y danser de chastes lucioles
Des
elfes pervers et des nymphes folles
Sous
l'éclat changeant d'un rayon de brume
De
longs messieurs noirs et des dames blanches
Se
tenant à deux par le bout des manches
Grimpent
en silence et sur le perron
Un
laquais poudré leur demande un nom
Si
le code est faux, un guerrier mauresque
Armé
d'un bâton les jette à la rue
Si
le code est bon, l'huissier les salue
Et
les fait entrer en les poussant presque
*
Ils
marchent dans la salle ornée d'un monogramme
Au
son des tambourins et des violons tsiganes
Et
vont glisser leurs pas dans ceux de la pavane
« Belle
qui tiens ma vie, c'est moi qui tiens ton âme »
*
Ils
jouent les chasseurs à l'abri d'un masque
Et
guettent leur proie dans la nuit fantasque :
Un
danseur de charme ou une hétaïre
Qu'ils
vont incendier des feux du désir
Juste
au dessus d'eux, les gens de la lune
Aux
jeux du hasard perdent des fortunes
Sur
un brelan d'as et deux figurines
L'un
saisit sa chance et l'autre se ruine
L'étage
plus haut cache un lupanar
Qui sert de refuge aux amours
profanes
Des grands de ce monde et des
courtisanes
Sous le faux décor d'un
temple barbare
L'escalier
qui suit conduit aux mansardes
Où
vit en secret la troupe gaillarde
D'un
prince des rues et ses saltimbanques
Des
bandits manchots, des pilleurs de banque
On
entend parfois venant du sous-sol
Lorsque
la musique un instant s'arrête
Un
cri qui s'échappe, une plainte folle
Une
âme piégée au coeur de la fête
*
Et
dans un dernier souffle une voix qui chavire :
« Viens-t-en
me secourir ou me faudra mourir »
Passant
qui entre ici pour conjurer tes fautes
N'attends
pas de merci depuis la Maison-hôte
*
Charles
Valois mai 14
(L'assassin,
travail en cours)
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