Quand
Marco venait dans la Maison Maure
Sur
le sol glacé du grand corridor
Il
allait glisser comme un cygne noir
Cherchant
son image au creux d'un miroir
Quand
Marco dansait sur du fandango
Comme
un papillon qui se joue des flammes
Avec
la ferveur envoûtée des femmes
Et
le regard dur qu'ont les hidalgos
Sa
robe moirée couleur d'amarante
Caressait
sa peau d'ambre libertine
Les
plis de la soie sauvage et mutine
Frôlaient
de ses reins la courbe affolante
De
grands chandeliers éclairaient la salle
Et
quand les regards le prenaient pour cible
Plus
il se donnait pour inaccessible
Plus
le feu couvait dans les yeux des mâles
Marco
s'enroulait ramenant ses voiles
Autour
de son cœur comme sous l'étoile
S'endort
une fleur et dans un soupir
Un
oiseau blotti qui vient s'assoupir
Etait-il
Orphée rêvant d’Eurydice
Chevalier
d'Eon ou Farinelli ?
Sous
ses longs cheveux, sous ses maléfices
Combien
de passions, combien de folies !
Quand
Marco aimait, il sentait la poudre
Il
partait chasser la fleur au fusil
Mais
c'était sur lui que tombait la foudre
Il
croyait saisir, il était saisi
Il
avait les yeux d'un loup aux abois
Mais
la voix trop douce et la chair trop tendre
Il
avait jeté son manteau sur moi
Je
devait le suivre et sans plus attendre
Nous
avons grimpé jusqu'à la mansarde
Sous
l'éclat de lune infiltré du toit
Quand
n'y tenant plus j'arrachai ses hardes
Je
sentis sa peau frémir sous mes doigts
Marco
se dressait comme un guerrier nu
Ainsi
les gaulois qui le poing tendu
Montaient
à l'assaut du lit de César
Pour
venger l'honneur des amants barbares
Et
l'instant d'après Marco se lovait
Réveillant
en moi les feux les plus fauves
Et
je me souviens comme il ronronnait
Quand
d'un coup de reins, j'entrais dans l’alcôve
Etait-il
amant, était-il amante ?
Mes
mains sur son corps hésitaient encore
Les
jardins secrets sont ceux qu'on déflore
Et
de l'eau qui dort viendra la tourmente
Marco
s'endormait ravagé d'amour
Dans
la chambre moite où l'air était lourd
Plongeant
dans la nuit d'un sommeil factice
Parmi
les relents d'opium et d'épices
Alors
j'ai sur lui refermé les voiles
Et
refait le geste en pliant la toile
D'une
veuve indienne à l'instant fatal
Dressant
un bûcher de bois de santal
J'ai
versé sur lui des flacons d'essences
Des
parfums de musc et de tabac blond
Des
cuirs de Russie qui troublaient les sens
Et
dont les vapeurs montaient au plafond
Puis
j'ai aligné des bougies rituelles
Posées
sur son corps dans les draps mouillés
Il
n'a plus suffi que d'une étincelle
Pour
que tout s'enflamme en un grand brasier
Au
cœur de la nuit comme une torchère
La
maison brûlait et dans la lumière
S'épuisait
le bal des soldats du feu
Et
puis l'incendie mourut peu à peu
Etait-il
un elfe à jamais enfui ?
Un
djinn insolent péri dans les flammes ?
Dans
les reliquats de cendre et de suie
Sur
des feux follets s'envolait son âme
CV
26 janvier 2014
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